Les débarquements de Normandie et de Provence (6 juin et 15 août 1944)

Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie, prélude à l’offensive qui les mènera au cœur de l’Allemagne. Ce débarquement leur a demandé deux années de préparation. Le 15 août 1944, un débarquement en Provence le complète.

La décision de débarquer en Europe est prise par les Alliés dès 1942. Mais il leur faut à la fois concentrer les moyens nécessaires et percer les défenses que les Allemands édifient sous le nom de Mur de l’Atlantique. Staline pousse à l’ouverture de ce front pour soulager son pays soumis aux attaques allemandes. La base de départ est la Grande-Bretagne. L’objectif le plus court serait le Pas-de-Calais, proche du cœur de l’Allemagne, mais les Allemands renforcent la région continûment. Les critères retenus pour le débarquement écartent des régions comme la Norvège. 

Des soldats américains descendent des rampes des péniches de débarquement dont l'avant s'est ouvert pour les laisser passer. Ils progressent avec de l'eau jusqu'aux genoux.
United States of America. Portrait en miniature de l'Amérique et des Américains en temps de guerre, 1942

 Un projet plusieurs fois repoussé
En avril 1942, l’état-major combiné annonce l’opération Sledgehammer (« masse ») : un débarquement dans le Cotentin ou en Bretagne. Mais, dès juillet 1942, il est abandonné au profit de l’opération Gymnast prévoyant de débarquer en Afrique du Nord, moins défendue. Rebaptisé opération Torch, ce débarquement en Algérie et au Maroc en novembre 1942 mobilise les forces anglo-américaines : il ne reste plus que 100000 soldats américains en Grande-Bretagne après son accomplissement. L’opération Bolero vise à acheminer des renforts et du matériel dans l’île mais, dans le même temps, les Britanniques préfèrent utiliser leurs navires pour importer la nourriture qui fait défaut à leur population civile. Le 19 août 1942, pour faire patienter Staline, l’opération Jubilee est lancée : des troupes canadiennes débarquent à Dieppe mais elles se heurtent aux défenses allemandes, et les chars débarqués sur les plages de galets peinent à progresser. Des leçons en seront tirées pour les opérations ultérieures. 

Un portrait en couleur du général américain Eisenhower, de trois quarts.
United States of America. Portrait en miniature de l'Amérique et des Américains en temps de guerre, 1942

Un commandement unifié
En 1943, la planification du débarquement est donnée au COSSAC (Chief of Staff to Supreme Allied Commander) en 1943 puis au SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force) dont le général Eisenhower prend la tête en décembre 1943. La conférence de Casablanca en janvier 1943 a décidé de débarquements en Sicile, en Italie et en Europe occidentale. Celle de Téhéran en novembre 1943 prévoit deux débarquements : l’opération Overlord et l’opération Anvil (« enclume ») qui doit compléter le débarquement dans la Manche et prendre ainsi en tenailles les forces allemandes stationnées en France. 

Un schéma cartographique montre comment débarquer sur une côte fortifiée.
Rafales, 15 juin 1944

Le choix du site
Les convois doivent pouvoir partir de Grande-Bretagne, transformée en base logistique, et bénéficier de sa couverture aérienne. Les défenses ne doivent pas être trop fortes. Il faut particulièrement éviter les batteries d’artillerie lourde qui peuvent décimer une flotte. Cela exclut donc la côte au Nord de la Seine. Les plages doivent être suffisamment larges pour y débarquer, et l’arrière-pays profond et peu accidenté. Et, enfin, des capacités portuaires doivent être rapidement disponibles. Il n’est pas possible de débarquer dans un port car ce sont les points les plus fortement défendus. Le choix se porte donc sur les plages entre l’estuaire de la Seine et la péninsule du Cotentin, inégalement fortifiées, et à proximité du port de Cherbourg par où doit, à terme, transiter la logistique indispensable à la sécurisation de la tête de pont. 

Une péniche de débarquement en pleine mer est vue par le flanc. Elle est occupée par plusieurs dizaines de soldats américains.
Robert Capa, Weymouth 1-5 juin 1944. Embarquement des forces américaines à destination d'Omaha Beach

Une opération bien préparée
Après plusieurs reports en raison d’une météo peu clémente, le jour J est fixé au 6 juin 1944. Sur les ondes de la BBC est diffusé le célèbre message :


« Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone. »

La Résistance y reconnaît le signal du déclenchement du débarquement et de plusieurs plans menés par elle et par les Alliés : plan violet (neutralisation des lignes téléphoniques), plan vert (paralysie du réseau ferré), plan bleu (perturbation de la distribution d’électricité), plan bibendum (attaque des points sensibles du réseau routier). Dans la nuit, 1000 bombardiers larguent 5000 tonnes de bombes. Les Alliés réalisent 12000 sorties aériennes le 6 juin, dominant le ciel. Les flancs du débarquement sont protégés par trois divisions parachutistes : les Américains à Sainte-Mère-Église, et leurs homologues britanniques à l’embouchure de l’Orne.

Au premier plan le train d'atterrissge d'un planeur. Au second plan, des hommes des troupes aéroportées se déploient.
Revue des troupes coloniales, n. 276, avril 1946

La flotte d’invasion
Les différents convois quittent les ports anglais et se rassemblent au centre de la Manche dans la zone appelée Piccadilly Circus. 4200 navires escortés par 1200 bâtiments de guerre transportent 200000 hommes. A proximité des côtes, l’artillerie de marine de ces bâtiments pilonne les batteries côtières, complétant les bombardements aériens. Les troupes de débarquement ont pris place dans des péniches dont l’efficacité a été vérifiée lors des débarquements en Sicile et en Italie : les LST (Landing Ship Infantry) transportent 1000 soldats qui, en mer, rejoignent les LCI (Landing Craft Infantry, transportant 200 hommes) et les LCA (Landing Craft Assault transportant 35 hommes). Des péniches déchargent aussi du matériel et des engins spéciaux : DUKW amphibie, Crab (char-fléau contre les mies), Petard (char équipé d’un mortier de 230 mm contre les blockhaus), etc.

Au premier plan, une colonne de camions et de transports de troupes s'éloigne du port artificiel de Saint-Laurent-sur-Mer en arrière plan où mouillent de nombreux bateaux.
Robert Capa, Saint-Laurent-sur-Mer, jiun 1944, Omaha Beach

Les plages
Plusieurs secteurs de débarquement ont été définis : Utah et Omaha pour les Américains, Gold et Sword pour les Britanniques, et Juno pour les Canadiens. Les Français ne sont représentés que par les 177 membres du commando Kieffer. Le soir du 6 juin les Alliés tiennent les cinq plages. A Omaha, les Américains ont subi de lourdes pertes. La tête de pont est établie et le Mur de l’Atlantique n’était pas l’obstacle infranchissable de la propagande allemande, mais le calendrier de la progression alliée va être affecté par la résistance allemande qui empêche la prise de Caen. 

Trois ohptos superposées en noir et blanc montrent les travaux sur les plages pour aménager les ports artificiels: chaussées, pontons flottants.
Globe, 6 novembre 1944

L’exploit logistique
Les Américains poussent vers l’Ouest à partir d’Utah Beach pour couper la péninsule du Cotentin et isoler le port de Cherbourg qu’ils finissent par prendre, mais les destructions empêchent son emploi immédiat. En attendant de disposer de ports, les Alliés utilisent les péniches de débarquement pour faire la navette entre les plages et la flotte. La première semaine, cinq brise-lames baptisés Gooseberries sont installés pour protéger les plages. Deux ports artificiels sont construits : le Mulberry A à Saint-Laurent-sur-Mer et le Mulberry B à Arromanches. Pour cela, 230 caissons Phoenix construits en Angleterre sont acheminés dans la Manche et coulés à destination. Ce dispositif est complété par des pontons flottants, des plateformes de débarquement, des digues et des jetées. Une tempête endommage le port de Saint-Laurent-sur-Mer dont les éléments servent à renforcer celui d’Arromanches.
La Normandie devient une base logistique : la Normandy Base Section. Le port d’Arromanches ne représente qu’un cinquième du tonnage débarqué, derrière les ports de Cherbourg et du Havre. Un oléoduc sous-marin est tendu à travers la Manche et dénommé PLUTO (pipeline under the ocean). Entrepôts, hôpitaux, aérodromes, ateliers mécaniques assurent les arrières de la progression alliée.

Plusieurs fantassins, l'arme au poing, progressent depuis la mer qu'on aperçoit en arrière-plan
Revue des troupes coloniales, n. 272, novembre 1945

Le débarquement de Provence
L’opération Overlord est complétée deux mois après par un débarquement en Méditerranée : l’opération Dragoon. Le secteur choisi est le massif des Maures et de l’Estérel, au-delà de la portée des batteries de Toulon. L’objectif est de prendre Toulon et Marseille, deux ports en eau profonde essentiels pour la logistique alliée. Les deux tiers des effectifs alliés sont tirés de la 1ère Armée française du général De Lattre de Tassigny, combattant en Italie. Les flancs du débarquement sont assurés par des rangers américains et des commandos français. L’opération est un succès en raison de défenses plus faibles qu’en Normandie. L’exploitation est beaucoup plus facile qu’en Normandie, et Marseille est prise à la fin du mois, permettant d’y accueillir les navires alliés dès le mois de septembre. Les Alliés, progressant dans la vallée du Rhône, vont faire leur jonction en Bourgogne avec les troupes débarquées en Normandie. Les deux débarquements ont changé le cours de la guerre, mais celle-ci se prolonge encore jusqu’à l’année suivante.

Dans la partie supérieure, une jeune femme en maillot de bain est allogée sur un tétraèdre métallique.En dessous, des images du débarquement en regard d'une photo où une jeune femme est assise sur un canon.
Points de vue, Images du monde: le journal des princes d'aujourd'hui, 5 juin 1945

 

Pour aller plus loin
Retrouvez les publications de la Mission Libération.


Cet article a obtenu le Label Mission Libération de l’État.